Archives mensuelles : avril 2017

Muxia – Jérusalem

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Il m’aura fallu plus de cinq mois pour appuyer sur le bouton « envoyer » et partager le texte de conclusion de ce voyage. Peut-être avais-je peur de poser le mot «  fin » à ce qui me parait être le début d’une nouvelle tranche de vie. Je n’avais d’ailleurs jamais réussi  à envoyer le texte de conclusion de mon voyage vers Compostelle il y a 4 ans. Le sort en est à présent jeté si vous lisez ces quelques lignes.

Tellement de photos rappellent que j’ai gravi des milliers de mètres de dénivelés en traversant les Pyrénées, le Massif Central, les Alpes, les Apennins, les monts Taurus. Les marques gravées sur mon bâton sont la mémoire des sept millions de pas, des sept pays, des centaines de villages que j’ai traversés et des 185 toits qui ont abrité mes nuits. J’ai pataugé dans l’eau, la boue et la neige. Mes pieds ont foulé de l’asphalte, de la terre, du sable et de la roche qui m’ont usés trois paires de chaussures et causés de nombreuses ampoules.

Tout cela je l’ai fait, mais ce qui est certain, c’est que je ne l’ai pas réalisé seul. La couverture de mon sac à dos illustrée de signatures et d’encouragements et toutes ces photos des personnes tenant mon bâton rappellent que ce projet fût couronné d’un succès collectif et que tous ceux qui ont de près ou de loin participé à ce projet, toutes ces belles rencontres m’ont d’une manière certaine aidé largement à passer la ligne d’arrivée. Comme je l’avais fait il y a maintenant 4 ans, après mon arrivée à Jérusalem, j’ai pris encore quelques photos de passants tenant mon bâton pour symboliser ce caractère collectif. Ces photos, floues pour certaines, je vous les offre, vous les avez méritées…

Je n’ose en effet  pas imaginer ce qu’aurait été ce périple sans vous qui m’avez soutenu. Les trois derniers mois de ce voyage furent en effet  beaucoup plus ardus que je ne l’avais anticipé. J’ai fait l’expérience douloureuse de la solitude et de la fatigue. Celles qui rongent, qui amenuisent les forces, qui broient, qui m’ont poussé à regarder les tarifs des vols les plus proches, qui m’ont empêché de vivre dans le présent, qui est pourtant la seule alternative pour garder un cap heureux, qui m’ont tenaillé des jours entiers. J’ai cependant l’assurance que l’écho de ces moments difficiles se métamorphosera en souvenir positif.

Mais j’ai aussi fait l’expérience de l’euphorie, de la joie profonde,  celle qui vous allège le sac, qui vous rend les jambes légères,  qui se nourrit d’un rien. Un sourire peut vous illuminer des heures de marches, une belle rencontre vous fera siffloter durant des kilomètres d’ascension.

Ce voyage est une expérience humaine extraordinaire qui vous bouscule, brouille vos repères, vous pousse dans vos retranchements ; c’est un concentré de vie. Une vie de contrastes: du vieux, du moderne, du beau, du laid, de l’insolite, du surprenant, de l’émouvant… J’ai fait tellement de belles rencontres, des juifs, des musulmans, des orthodoxes, des catholiques, des athées …, tellement de personnes des quatre coins de la planète ont dédicacé ou signé la protection de mon sac à dos (photo), tellement de belles rencontres qui me poussent à croire que l’être humain est dans sa majorité fondamentalement bon, bienveillant, généreux…

Avec recul, je pense que ce voyage était une vraie folie, mais je pense en être revenu étonnement plus lucide.

Je reviens ainsi plus fort, non pas parce je le suis, mais parce que j’ai fait l’expérience de mes limites, j’en ai longé les côtes des jours entiers. Je me connais mieux. Je suis conscient de ma difficulté à lâcher prise, de ma tendance naturelle à vouloir garder le contrôle. Certaines de ces limites sont néanmoins des qualités. Ma volonté d’être connecté aux autres,  la difficulté d’être éloigné des miens m’affaiblit dans certains contextes mais n’est-elle pas surtout une force vitale, n’est-elle pas ce qui donne du sens à ma vie.

Je suis plus conscient aussi du travail que je peux aussi faire sur moi. J’ai eu de très mauvais jours, mais j’en ai provoqué de meilleurs en me forçant à la relecture des souvenirs heureux de mon blog. Il faut savoir s’éclairer, savoir trouver l’interrupteur. On peut changer le cours des choses, s’illuminer de positif. Il suffit souvent de regarder dans la bonne direction et d’écarter au plus vite les pensées toxiques. C’est un travail permanent, difficile, mais salvateur.

Je sais maintenant aussi que l’on n’est jamais plus fort, plus volontaire que quand on se bat pour une cause, que quand le bonheur et le bien-être d’autrui est en jeu dans son action. J’ai été confronté au doute tellement plus souvent après le départ de Marc et Maxime et le formidable projet que nous portions. J’avais perdu ce qui donnait un sens réel à ces kilomètres quotidiens. Ce qui est en jeu dans une marche au long cours, c’est le chemin et pas tant l’objectif et j’avoue avoir souvent malmené cette règle essentielle.

Il y a fort à croire que je ne mourrai ni musulman, ni orthodoxe, ni catholique, ni juif, mais j’éprouve du respect et une sincère bienveillance pour la toute grande majorité des membres de ces confessions religieuses. Je ne suis pas sans conviction cependant. Il doit bien y avoir quelque chose. Notre univers ne peut être né spontanément, exister  sans créateur…. Il y a un lieu en moi qui ne croit pas en l’autocréation, qui ressent du sacré. Mais ce lieu n’attend pas de réponse. Le mystère me convient très bien. Toute réponse ne devrait en effet pas changer mon comportement et le cours de ma vie et la grande réponse viendra de toute façon bien assez tôt. Je suis en tous les cas infiniment plus conscient que je fais partie de tout cela, que j’ai ma place qui implique droits, mais aussi obligations. J’aime me sentir vivant et ces quelques mois ont renforcé ce sentiment

Je vous remercie de m’avoir suivi, d’avoir illuminé ma route de vos remarques, encouragements. Je remercie aussi quelques auteurs de livres qui, l’air de rien, ont fourni un véritable objectif a des journées difficiles (La Longue Marche de Bernard Olivier, Nous sommes l’eau de Wally Lamb, Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson, Plus haut que la mer de Francesca Melandri) et aux nombreux musiciens de ma playlist qui m’ont fait oublier de nombreuses heures le chaos de la solitude.

Je remercie bien sûr Marc, Damien, Jean-Jacques, Martine, Pascal, Eric, Maxime, Noé, Victor, Louis et Luc,  qui ont marché ou roulé à mes côtés, et qui ont par leur présence égayé mon parcours et dont les dates d’arrivées m’ont donné des objectifs à moyen terme.

Je ferai aussi quelques autres remerciements particuliers par lesquels je souhaite englober tous ceux qui m’ont accueilli et aidé durant ces 6 mois. Je remercie ainsi Jean-Jacques et Patricia pour leur accueil et persévérance, Elisabeth pour l’intensité de notre rencontre pourtant si éphémère, Nour et Abdel pour leur générosité naturelle et spontanée, cet extraordinaire accueillant de Conques qui m’a défendu de manger mes provisions et obligé de partager le repas normalement payant des autres pèlerins, les accueillants du Puy en Velay qui m’ont dorloté quand j’étais dans le creux de la vague, Christine (clean 2 Ki) pour son projet humble et écologique …

Je voudrais aussi remercier deux personnes qui furent de véritables sources d’inspirations durant ce long voyage: Angela pour son parcours et ses projets futurs et pour avoir eu le courage de s’arrêter sur une route déserte et avoir pris l’initiative de la discussion avec un pèlerin transpirant (et pour la délicieuse soirée en famille qui s’en suivit), Ali Thair Abud dont les pèlerinages sont une source d’inspiration et d’avoir été un formidable compagnon de marche à l’occasion de mon pèlerinage entre Braine-le-Château et Compostelle il y a trois ans.

Je remercie aussi certains pour leurs belles initiatives dans l’accueil de pèlerins : Je remercie ainsi la très belle création des « accueils pèlerins » de la Via Gebennensis et Rhône Alpes, Ahmed (Jizr al Zarka Israël) d’avoir cru et créé un accueil pour tous dans un village arabe dans lequel j’ai pu marcher sans crainte à la nuit tombée et au petit matin, Michele (Troia Italie) pour la reconversion d’un couvent en gîte pèlerins sur la Via Francigena du Sud  (j’espère que son initiative sera couverte de succès)…

Je voudrais remercier une dernière fois tous ceux qui ont soutenu Maxime et notre magnifique projet.

Je voudrais aussi remercier encore une fois papa et maman qui par une alchimie génétique m’ont doté d’un physique relativement solide. Je ne suis finalement que pour très peu dans la réussite de ce projet.

Je ne peux terminer autrement qu’en remerciant Sophie, Louis et Noé de m’avoir accordé du temps pour la réalisation de ce projet qui m’a occupé intensément une bonne année.

Je voudrais tous vous assurer que les yeux fermés et les mains solidement posées contre le mur des lamentations, j’ai eu une pensée émue, profonde, globale pour tous ceux qui ont contribué à la réussite de ce projet et plus spécifique pour cette dame souffrante rencontrée à Celle di San Vito qui ayant entendu que je partais pour Jérusalem m’avait timidement abordé en fin de soirée et demandé de prier pour elle.

A l’heure où je me remémore ce voyage, je ne peux oublier la participation active de ma tante Christiane qui n’est plus de ce monde aujourd’hui. Ce fût une des étoiles bienveillantes qui illumina mon parcours de ses nombreux messages…

A la question de savoir si ces 6 mois signent la fin de mes aventures pédestres, je vous répondrais que J’aime désespérément avoir le dos lesté,  les pieds dans la boue et porter mon équipement de pluie et que la terre est un terrain de jeux extraordinaire pour celui qui aime les rencontres et l’aventure.  Ne soyez donc pas étonnés si je remets un jour le couvert. Ce ne sera cependant pas pour demain. J’ai en effet quelques projets plus locaux et une famille avec laquelle j’ai envie de passer beaucoup de temps dans notre petit royaume.

Je vous dis à bientôt pour boire un verre ou manger un bout et vivre de nouvelles aventures… ensemble.

 

« Ce chemin, ce n’était pas moi, c’était nous … »